Les lieux mythiques vus par des photographes connus #1 L'Ile de la Cité

L'Île de la Cité : un lieu mythique, trois photographes connus, trois approches photographiques

 

Car il y a autant d’approches de la photo de rue qu’il y a de rues et d’artistes photographes (on vous laisse imaginer le nombre !)  nous avons eu l’idée de créer une série d’articles mettant à l’honneur un quartier emblématique des grandes villes françaises à travers les regards des grands photographes connus qui l’ont immortalisé. Le tout parsemé de quelques anecdotes sur le lieu emblématique abordé : en somme, une balade photo Atypic’ inspirationnelle, mais derrière son écran cette fois !

 

Et nous commençons cette série d’articles par la mythique Ile de la Cité, saisie par les non moins mythiques Brassaï, Cartier Bresson et Braun.

 

Trois regards croisés, trois approches différentes d’un même lieu, et trois regards d'artistes photographes sur la majestueuse Île de la cité.

 

photographe connu Brassai

Quelques mots sur l’Île de la Cité et ses secrets

 

L’Ile de la Cité est, bien évidemment, avant tout connue pour Notre-Dame de Paris, qui fait d’elle l’un des lieux les plus visités d’Europe, accueillant plus de 20 millions de visiteurs par an. Outre ce monument mondialement connu, l’Ile de la Cité abrite également des petits trésors à côté desquels un public non averti peut passer :

  • La confidentielle Place Dauphine : Il s’agit de la seconde place royale de Paris, construite après la place des Vosges au début du XVIIe siècle à l’initiative d’Henri IV. Elle est baptisée en l'honneur du dauphin, le futur Louis XIII.
  • La très ancienne rue de Lutèce : cette rue a été créée lors de la politique de grands travaux d’Haussmann en mémoire de l’époque où l’Île de la Cité était encore le Lutèce de l’époque gallo-romaine.
  • Le paisible et reposant Square Vert-Galant : son nom dérive du surnom donné à Henri IV, et fait allusion à sa réputation de galant gentleman… malgré son âge avancé !

L’Ile de la Cité abrite également la Préfecture de Police, en dessous de laquelle de nombreuses fouilles archéologiques ont été réalisées : un véritable trésor d’informations qui a permis de déterminer la date de la création de Paris et les évènements marquants de la capitale à travers les siècles. 

 

L’approche mystérieuse et envoûtante de l'Ile de la Cité par Brassaï

Photographe connu paris
Vue nocturne sur Paris de Notre-Dame, 1933-1934 ©Brassai

 

Mise à l'honneur lors de l’exposition de 2013, “Brassaï, pour l’amour de Paris”, cette photographie est une belle illustration de l’œuvre de Brassaï sur Paris : nocturne, fantastique, traitant des thèmes de l’Artiste, de la marginalité et du songe.

 

En premier plan, nette, une gargouille imaginaire et gothique. Ainsi personnifiée, elle pourrait avoir l’air de rêver, tout en regardant la nuit parisienne animée. Il est difficile de ne pas y voir une référence au Notre Dame de Paris de Victor Hugo. On imagine alors Quasimodo, qui pourrait être les yeux de l’objectif : il est en train de converser avec cette gargouille rêveuse, tout en contemplant ce Paris qui lui est interdit. On peut y voir là un lien très fort avec le travail de Brassaï sur la marginalité : un élément récurrent dans son approche de la photo de rue.

 

En arrière-plan, floue, ladite animation parisienne, pleine de lumières festives, comme d’ombres plus sérieuses et de bâtiments haussmanniens. Le tout enrobé d’un brouillard, rendant encore plus mystérieux ce Paris de nuit et qui fait d’elle une photographie emblématique du travail de Brassaï.

 

 

Le Panorama de Braun

photographe connu paris
Adolphe Braun (1812 – 1877) Panorama de Paris - L'Île de la Cité - l'Hôtel de Ville 1867 Tirage au charbon 42,9 x 74,2 cm Colmar - Musée Unterlinden - © Münchner Stadtmuseum

 

 

Extraite de la série photographique Les vues panoramiques de la Suisse, de Paris, de Savoie, de l'Italie (1866-1870), cette photographie est aujourd’hui présente pour la rétrospective donnée par le Musée Unterlinden en Alsace, du 17 février au 14 mai 2018. Photographe français parmi les plus influents du XIXème siècle, Adolphe Braun prend cette photographie lors de l’Exposition Universelle qui a lieu à Paris en 1867. Pour photographier, Braun se sert alors d’un dispositif venant d’être inventé et dont il disposait d’un cinquième des droits d’utilisation : la Pantoscopic Camera.

 

Appareil panoramique fabriqué à Paris par l’ingénieur anglais David Hunter Brandon, ce nouveau dispositif permet l’enregistrement automatique de l’image panoramique. Equipé donc de cet appareil, il réalise de nombreux panoramas. Prise en plongée, donc d’un point de vue surélevé pour que l’on puisse avoir une vue d’ensemble du paysage, la photographie est également comme peinte en jaune : Braun ajoute différents pigments sur ses photographies de paysages (brun, sépia, jaune, rouge, bleu)… A cette époque, c’est comme cela qu’on obtenait une certaine luminosité, ce qui donne un sens tout particulier à la photo. On dirait en effet qu’elle a été prise au lever du jour, lorsque Paris est encore paisible, mais que le soleil commence à illuminer les bâtiments de sa lumière. Grâce à la profondeur de champ étendue, le rendu détaille les premiers plans de manière très précise puis les plans d’après deviennent de plus en plus flou, ce qui donne l’impression d’une immensité qui continue de s’étendre en hors-champ.

 

 

L'Ile de la Cité vue par Henri Cartier-Bresson

photographe connu ile de la cité
Ile de la Cité, Paris, 1951, Henri Cartier-Bresson

 

 

D’un autre style, d’un autre temps, nous devons cette photo en noir et blanc à Henri Cartier-Bresson

Photographe, « œil du siècle », photojournaliste, fondateur de l’agence de photographie Magnum, Cartier-Bresson prend cette photo d’une partie de l’Île de la Cité en 1952, lui donnant une intensité toute particulière par le tirage, qu’il qualifie « couleur de Loire » et qu’on rebaptisera « gris Cartier-Bresson ». Ce gris brouillard et embrumé donne l’impression que la photo est tirée d’un rêve aux traits presque réalistes. De la Seine en premier plan, il y a ensuite cet îlot d’arbres qui donne toute sa symétrie à la photo avec le pont juste derrière. On y retrouve le très fin bord noir, caractéristique de ses images, prouvant l'absence de recadrage de la photo au moment du tirage (Cartier-Bresson est le père et fervent défenseur de la notion de "cadrage définitif").

 

Endormie, symétrique, parfaite, L'Ile de la Cité ne prend part à la réalité qu’en deuxième et troisième plan avec les reliefs en bataille de bâtiments, qui viennent nuancer l’apparente symétrie des premiers plans.

 

 

 

Par Alice Claux

 

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